Bonjour, allez, faut bien inaugurer les nouvelles règles (histoire de peaufiner le truc).
Je vais donc présenter une robe 13e. Attention, c'est très long.
Cela fera sûrement plusieurs posts... (je vais voir comment articuler ça...)
(sssssssssssssssssss... j'en ai marre d'éditer pour des "s" oubliés. Servez-vous dans le stock à côté

)
Précision importante : c'est un travail de recherche assez poussé (j'expliquerai plus tard pourquoi). Donc, c'est mon délire. Personne n'est obligé de pousser la démarche à ce point.
1. Avant/Après

Je vous montre donc ma 1ère tenue 13e, et la cotte dernièrement réalisée. Pour que vous puissiez comparer les résultats et voir l'évolution.

Problèmes évidents de longueur et d'ampleur sur la bleue. Depuis 2011, les recherches ont avancé. On a les proportions correctes... Ca va quoi

La longueur est basée sur l'étude de la robe de sainte Claire, pour l'ampleur, les sources sculptées, peintes, montrent une réelle ampleur. Il est de surcroit impossible d'obtenir un résultat équivalent avec une cotte trop courte et/ou trop étroite.

Une source intéressante pour l'ampleur, qui vient de la cathédrale de Reims. La cotte est passée dans la ceinture. Au passage, on constate que ma robe est plus longue et plus ample... Heureusement. Cette femme qui montre sa cotte dévoilant sa chemise, une cotte trop courte, c'est la Luxure... Chez moi, on ne voit que les pieds et un tout petit peu les chevilles. Ouf !
2. Parlons tissus.
Le tissu choisit pour la robe est un sergé losangé.
Le sergé losangé a été identifié par Eleanor Carus-Wilson en 1969 comme étant le haberget, à la mode depuis un bout de temps, mais cité sous ce nom dans les sources des 12e et 13e siècles. (en fait, c'est plus le haberget qui a été identifié comme un sergé losangé de luxe)
On a des petites querelles de spécialistes (Carus-Wilson considèrait que le haberget était de tissage 2.2, Walton-Rogers, plus récemment, a envisagé qu'il s'agissait de tissage 2.1...) Bref, c'est le tissage diamant. Brisé ou non selon Carus-Wilson (Walton-Rogers ne revient pas sur ce point).
Elles (et les autres spés s'étant penchées sur la question) sont d'accord sur un point : le haberget, version luxe, tissu prisé par l'aristocratie car évoquant le haubert était un tissu d'une grande finesse, avec des diamants très très fins (1cm, ou à peine plus, au total). Le haberget plus épais pouvait exister. Mais c'est un tissu plus grossier. Une version haberget portée par des paysans est citée dans un poème français d'avant 1245. Tissus pour jours de fête.
Le haberget luxe lui-même était très certainement fabriqué dans la ville de Stamford en Angleterre. On a des traces d'exportations du haberget de Stamford dans les Flandres au début du 13e. En outre, un fragment de manteau en tissage diamant a été retrouvé en Scandinavie. L'hypothèse d'un haberget de Stamford, donc importé, a été faite par Nockert (je mettrais les références biblio complètes de tout ça... plus tard, mais ça viendra. Ceci dit, une bonne partie de la biblio est citée par Cardon dans Le Comte de l'An Mil, sauf WR, car... pas écrit à cette époque

)
J'ai choisi ce tissu car c'était un tissu de grand luxe (c'est pas une tenue de pécore), qui témoigne du commerce du drap en Europe (j'ai relevé une trace de drap d'Estanfort en Italie aussi... Citée dans des comptes florentins. Mais tous les draps d'Estanfort ne sont pas considérés comme des habergets)
Autres intérêts du choix "didactique" de ce tissu :
Il est cité dans la Magna Carta, de 1215, et son lé doit faire 2 aulnes. Ce qui correspond à 180 cm (dans les épisodes suivants, on pourra voir ce que ça implique).
Il est recité dans les confirmations de la MC par Henry III et Edward Ier. Mais ce qui est intéressant, c'est que pour ce dernier, on considère que cela fait partie d'une confirmation générale, parce que à cette date (Je dois retrouver ça dans mes notes... Ce sera fait, mais google donnera vite les dates d'Edward Ier. J'ai trouvé, en 1297 et 1300

) ça fait un bout de temps que le haberget, cité dans les comptes royaux depuis pfoouuuuuuuiiiiiiiiiou (il parait déjà sous Richard Coeur de Lion, qui meurt en 1199 -ça je sais

) a disparu des comptes royaux après... 1235.
Ca va, mon costume est daté 1225. OUF !
Donc, c'est l'histoire d'un tissu qui passe de mode, ce qui est sympa pour faire un costume daté
Des versions plus grossières existent, mais le vrai haberget chicos, c'est quasi fini dans la 2e moitié du siècle. On en trouve une mention en 1302, dans la correspondance d'une comtesse. Pour habiller ses valets. On voit donc la dégringolade du tissu qui du roi est passé au valet. On ne parle plus après que de tissage diamant (on en a dans les fouilles de Londres, en Suisse, au Groenland -date inconnue en ce moment précis- mais, pas aussi luxueux que le haberget).
Et pourquoi il disparaît ? Ben, allez savoir...
Les tissus industriels prennent le dessus. Le haberget était un tissu industriel sur métier horizontal... Mais, de l'ordre des "worsted" (tissus fins, sergés, en gros). On va préférer de plus en plus les tissus foulés, plus épais et plus imperméables. Au milieu du siècle, c'est joué dans les hautes classes de la société. Et c'est la dégringolade sociale du haberget... (remarquez, valet d'une comtesse, ça passe encore hein

Mais ça vaut pas roi d'Angleterre).
La baisse de popularité du haberget et des autres "worsted" est visible aussi en art, dans les drapés des personnages... Le passage du Muldenfaltenstil au blockstyle

(oui, on aime les noms àlakon en histoire de l'art. Ca dépend de la nationalité du chercheur qui a défini ça... Bon, on se plaint pas trop, ça pourrait être des Russes...) La rupture entre les 2 styles se situe vers 1240...
En pratique : Le tissu que j'ai choisi :
C'est du tissage indus, hein, ça se voit avec la lisière. Diamant autour d'1 cm.

J'ai déjà une robe dans ce tissu (la verte) et une dans un diamant plus gros, pour faire ma nonne. J'avais choisi ce tissu plus épais et au diamant plus gros pour, justement, faire ma humble.

Comparaison entre les 2 :

Le gris, je pense, serait parfait aussi, par son côté plus grossier, pour une tenue de pécore, jours de fête

3. Parlons couleurs
La couleur. Après discussions avec Perline et Grégoire le Guéderon...
On est tombé d'accord sur le fait que ça correspond, niveau teintures naturelle a du brun très foncé teint à l'indigo (pour le noir) et de la cochenille d'Arménie.
Le haberget pouvait être teinté au grain (kermès donc). La cochenille d'Arménie, c'est le niveau juste en dessous.
Vous notez les 2 couleurs (une en chaîne, une en trame) c'est un des mystères du haberget 13e. On ne sait pas si le bicolore existait (pour les tissus méros et caros, il semble que c'était du monochrome...). Mais, les différents worsted, même non teints, que j'ai pu voir étaient quasi tous de laines de plusieurs couleurs. Ce sont des tissus qu'on identifie au 13e au "marbre", visiblement très à la mode. Qui tendent à disparaître aussi dans la 2de moitié, où le côté multicolore sera plus avec les tissus rayés (biffés) ou partis. Cette importante proportion de tissus à chaine d'une couleur, trame de l'autre (voire à 2 couleurs en chaîne ou en trame, comme pour le surcot de sainte Elisabeth) fait que la possibilité d'un haberget bicolore paraît parfaitement envisageable pour la 1ère moitié du siècle. Mais, ça reste discutable. C'est un choix assumé. Carus-Wilson ne paraît pas rejeter le haberget bicolore. (En indiquant que certains d'entre eux, au moins, pouvaient exister en une seule couleur.)
Et le résultat final, ça donne ça :
La cotte sans accessoires

La cotte avec surcot et manteau :

En extérieur, de dos :

Pour faire du cheval :

(sans les mains)
En mode sérieux :

En mode méga sérieux, avec manteau :

(Merci à Sigrid pour les photos, au château de Malbrouck et au Conseil de Moselle pour les autorisations)
Ce n'est pas fini
Voilà, c'est long, je sais, à vous de discuter de la démarche en ce qui concerne les tissus... Et à voir si c'est convainquant ou pas

